.Je ne sais pas ce qui m'a pris de prévenir Yue de l'arrivée de Masha. Je ne sais surtout pas ce qui se passe dans la tête de ma petite princesse pour que son seul nom suffise à l'exciter comme une puce comme ça. Ils ne se sont pas vus souvent et pourtant, j'ai l'impression qu'elle s'est amourachée de lui. Je l'entends qui chantonne au dessus de moi et je laisse ma tête tomber en arrière pour la regarder. « Hé .. Papa, j'arrive plus ! » Elle me tapote l'épaule en riant et je lui souris à l'envers avant de redresser la tête. Je ne sais pas ce qui m'a pris d'accepter qu'elle joue avec mes cheveux. Elle est posée sur le canapé et je suis assis par terre devant elle, attendant patiemment qu'elle en ait fini avec moi. Il y a tout un tas d'accessoires dans mes cheveux, en plus du palmier planté sur ma tête : à croire que la longueur ne l'a pas arrêtée. Je vois quelque chose tomber par terre et suis des yeux l'objet pour voir une barrette en forme de nœud me narguer. Je la ramasse et la lui tends par dessus mon épaule sans regarder, retenant un soupir. Au moins, j'ai réussi à l'occuper en attendant Masha. Je retrouve mon sérieux en pensant à lui et me demande comment ça va bien pouvoir se passer cette après-midi : ce n'est pas comme si on avait l'habitude des visites de courtoisie lui et moi. La sonnette se fait alors entendre et Yue me tire légèrement les cheveux sous la surprise, s'excusant aussitôt. « Papa ! Il est là ! » Je lève les yeux au ciel, amusé. « Oui, j'ai entendu. » Je me relève et pose mon index contre son front en souriant avant de m'avancer vers la porte. La déverrouillant, je jette un coup d'oeil par dessus mon épaule pour voir que Yue attend juste derrière moi en se dandinant d'un pied sur l'autre, puis j'ouvre enfin.

Je me demande ce que j’ai fait pour arriver ici. Je me demande surtout qu’elles sont mes motivations pour me rendre au domicile du grand blond. Je fronce légèrement les sourcils en me dirigeant tranquillement à l’adresse qu’il m’avait fournie. L’idée que la petite, la raison principale pour laquelle je me dirigeais présentement chez lui, soit pleine d’entrain me fit sourire. Sa petite voix au téléphone me fit encore plus sourire lorsque j’avais pris contact avec lui pour lui dire que j’étais en route. Après avoir pris une longue respiration, mes doigts cognèrent lentement contre la porte à laquelle je faisais face. Je ne sais pas si j’hallucinais, mais je crus entendre la voix aiguë de la petite à travers cet énorme planche de bois, ce qui, encore une fois, m’arracha un grand sourire. J’eus très probablement l’air d’un grand idiot lorsque mon hôte m’ouvrit la porte, figeant directement sur place, mes yeux s’écarquillant. « Dis donc, c’est tout un style. Tu ne m’as jamais dit à quel point tu étais belle, Ren… » Je murmure lentement en tendant une main, retirant l’une des boucles qui ornaient la chevelure de Ren, la glissant dans la mienne pour repousser les mèches qui cachent mes yeux. J’entre également dans la demeure de mon aîné, m’accroupissant presque directement pour réceptionner la petite qui s’élançait dans ma direction. « Bonjour petite princesse! Je ne t’ai pas trop manqué? Papa m’a dit que tu t’ennuyais, c’est vrai? » Je glisse ma main dans sa longue chevelure, plaçant un bisou contre ses joues. En un simple instant, elle avait réussi à me faire oublier l’angoisse qui m’avait prise en me disant que c’est ici que je me dirigeais. Ren savait que j’allais mieux, non? Je me demandais s’il n’avait pas accepté de me laisser venir surtout parce qu’il voulait me surveiller. Ma tête se relève lentement et je pose mon regard dans celui du blond. « Je lui ai apporté un cadeau, je peux le lui donner maintenant ou tu préfères attendre, Papa…? »

Quand j'ouvre la porte, j'ai l'impression que j'ai oublié quelque chose. Il me dévisage et là, je réalise. Je dois avoir l'air fin. Ma mâchoire se crispe quand je le vois tendre la main vers moi accompagnée de ses mots mais je me détends bien vite en voyant qu'il ne fait que retirer une des barrettes. Il l'accroche dans ses propres cheveux et au fond de moi, je sais que je reprendrai l'idée une autre fois, dans un tout autre contexte. Je retire alors tout ce que j'ai dans mes propres cheveux sans plus attendre et tente de les remettre en place. Le gloussement dans mon dos et le petite bruit de pas rapides sur le sol me font sourire. Ca y est, tout papa que je suis, j'ai perdu toute l'attention de Yue maintenant que Masha est là. Je ferme la porte et me tourne vers eux, mes yeux s'attardant sur le nouvel arrivant un instant. Impossible de savoir s'il a recommencé ou non. Au moins il est là, et il semble avoir de l'énergie ce qui ne peut qu'être une bonne chose. Je lui poserai mes questions plus tard.

Je croise finalement les bras et l'observe un court instant en entendant le mot qu'il a utilisé pour m'appeler. Je hausse finalement les épaules et mon regard dérive vers la reine de l'après-midi. « Hmm .. Je ne sais pas trop, il faut voir l'avis de l'experte. Tu penses que tu as été suffisamment sage, Yue ? » Le mouvement de tête presque frénétique que j'obtiens en réponse me fait à nouveau sourire sincèrement et j'écarte les bras devant moi en signe de rédemption. Yue tourne alors ses grands yeux vers Masha. « Qu'est-ce que c'eeest ? » Elle est bien plus démonstrative que son père, c'est sûr. Je lève les yeux au ciel en me disant que j'ai définitivement perdu Yue. « .. Je te sers quelque chose à boire ? »

Sortir de mon appartement me fait le plus grand bien. Je me sens enfin respirer, je suis capable de faire autre chose que seulement rester affalé dans mon lit, parce que je sais que si je passe le pas de la porte, Ren le saura et ça bardera. Je me sens beaucoup mieux. Depuis sa dernière visite, je n’ai touché à rien. J’ai à peine mangé, pour être franc. Ce que je tentais de faire entrer dans mon système semblait vouloir en ressortir directement. Je n’avais donc pas poussé. Me rendre plus malade et plus faible que je ne l’étais déjà était tout sauf une bonne idée. Je soutiens le regard de mon hôte un moment avant de recevoir le feu vert pour offrir ce que j’avais apporté à sa fille. Ce qu’il est différent en présence de Yue… D’ailleurs, il avait retiré toutes les boucles qui décoraient sa chevelure. « Je prendrai un simple verre d’eau, si ça ne te dérange pas… » Demandais-je poliment avant de me redresser, glissant la minuscule main de la petite au creux de la mienne. Je me demande s’il a accepté que je passe chez lui parce qu’il savait que la petite serait excitée ou parce que ça lui ferait une pause. À mes yeux, elle n’avait rien d’un enfant difficile.

Je file lentement vers la salle de bains ou je pose le sac que je traîne jusqu’à présent, sortant le paquet pour le glisser entre les doigts de la petite. « Lorsque je l’ai vue, j’ai directement pensé à toi. Toute princesse se doit d’avoir une robe à la hauteur de sa beauté! » Lui murmurais-je alors qu’elle ouvrait le paquet, un petit couinement aiguë de satisfaction passant la barrière de ses lèvres. Il lui fallu peu de temps pour que la robe se retrouve sur elle, satisfait de voir qu’elle lui allait comme un gant. Je pris le temps de remonter sa chevelure en un chignon, fouillant dans le sac pour placer un petit diadème au sommet, compléter l’œuvre d’art que je venais de créer. Ma main se glisse une nouvelle fois dans celle de la petite, la ramenant à la cuisine, me raclant la gorge à la manière d’un annonceur maison. « Faites place à la Princesse Yue! »

«  De l'eau, c'est tout ? » J'acquiesce à sa demande et mes yeux retombent sur Yue.  Il faut voir à quel point elle est excitée que Masha soit là. Qu'est-ce qu'il a fait pour qu'elle l'apprécie autant, je n'en sais rien, mais c'est agréable de la voir interagir ainsi avec quelqu'un. Elle n'a que rarement l'occasion de voir du monde. Je n'ai pas le choix, bien que j'en sois désolé. La grande propriété que j'ai achetée était censée lui faire oublier qu'elle était enfermée ici mais je savais dès le départ que ça n'allait pas durer bien longtemps. Je me dis toujours que je trouverais une solution. Plus tard.

Un gazouillis de Yue me fait sortir de mes pensées et je la laisse entre les mains de Masha pour m'éclipser à la cuisine. Je lui sers un verre d'eau et sors du frigo un de ces laits à la fraise que ma petite princesse aime tant, sourire aux lèvres. Je lève les yeux en entendant mon invité se racler la gorge et devant ma petite princesse, littéralement. « Papa, papa, regarde ! » Elle s'approche de moi et tire quelques fois sur mon pantalon avant de tourner sur elle-même, émerveillée. Je siffle d'appréciation et mime une petite courbette devant elle. « Mais dis donc, tu es toute belle, une véritable princesse, Masha a raison. » Je passe une main sur sa tête affectueusement. « Tu as dit merci au moins ? » Yue s'accroche alors à sa jambe dans un grand sourire et lève les yeux vers lui. « Merciii ! C'est le plus beau des cadeaux ! » Je lève alors les yeux au ciel, amusé et rapporte mon attention sur Masha en lui tendant son verre d'eau. « Alors comme ça on me vole la vedette ? »

Oui, simplement de l’eau. Je me risquerais peut-être pour autre chose un peu plus tard, si l’occasion se présentait, mais pour l’instant, je m’en tiendrais au strict minimum. J’avais repris bonne mine, j’étais en bien meilleure forme qu’à sa dernière visite chez moi, mais à quel point? J’avais toujours des moments de faiblesse, ces instants où j’avais l’impression que mes jambes céderaient sous mon poids alors que rien ne se produisait. J’avais peut-être simplement peur qu’une situation comme celle de la semaine dernière ne se reproduise. Je me faisais des histoires.

Un grand sourire se glisse sur mon visage en voyant la petite retrouver son père, tournant sur elle-même pour lui montrer toute la beauté qu’elle pouvait dégager. Au fond de moi-même, je sentis un soulagement m’envahir à l’idée qu’elle soit réjouit par le cadeau et que Ren ne semble pas s’y opposer. Je m’appuie doucement contre l’ilot, posé en plein centre de la cuisine, penchant doucement la tête en voyant la petite tirer sur mon pantalon, me remerciant d’une façon si mignonne que je me sentis directement fondre. « Tout le plaisir est pour moi, Princesse. Tu veux qu’on te construise un château? Files au salon, on te rejoint dans quelques minutes. » Mes doigts glissèrent tendrement sur le visage de Yue, mon index pressant doucement contre son petit nez, la couvant d’un regard protecteur sans vraiment le remarquer. Je la vis sauter d’un pied à l’autre en répétant avec enthousiasme le mot château, détalant comme une flèche vers le salon. Chose sûre, c’est qu’elle ne manquait pas d’énergie. « Tu sais très bien que ce n’est pas mon but… » Répondis-je finalement aux paroles du jeune homme, tendant une main pour attraper le verre d’eau qu’il me tendait, en profitant pour accrocher mon regard au sien. Il devait se douter que je n’avais d’yeux que pour lui, de toute… Je porte le verre à mes lèvres, buvant quelques gorgées pour me désaltérer, fermant lentement les yeux. « Tu as vu comme j’ai été sage, cette semaine? J’espère que ça te convient… »

Quelque chose me dit que Yue ne va plus quitter cette robe et que je vais devoir batailler pour qu'elle n'aille pas jusqu'à dormir avec. Elle est tout ce qu'il y a de plus adorable mais le caractère, ce n'est pas ce qui lui manque : quand elle veut quelque chose, difficile de le lui faire oublier. Elle a dû prendre ça de moi. Je la vois qui remercie Masha du fond du cœur et quelque chose me dit que lui non plus ne peut pas résister à ma Yue. A croire que la famille Cai lui a tapé dans l’œil. Je le vois rarement sourire de cette façon ; peut-être que la présence de Yue lui fait du bien à lui aussi. Il lui dit les mots magiques et ma petite crevette détale comme un lapin. « Ne cours pas, Yue. » Ca ne sert pas à grand chose, je crois qu'elle ne m'a même pas entendu. Quelque chose me dit que la grande couette de mon lit va de nouveau servir à construire une cabane. Enfin, un château cette fois-ci apparemment.

Masha me prend le verre des mains et mes yeux glissent vers lui tandis qu'il boit. « Et c'est quoi ton but alors ? » Je hausse un sourcil alors qu'un fin sourire se dessine sur mes lèvres., mes yeux toujours plantés dans les siens. Il suffit que Yue s'éclipse une minute pour que je n'arrive plus à garder mes distances, je m'en rends compte mais cela ne m'empêche pas d'agir. Je m'approche et le coince contre l’îlot central, récupérant son verre pour le poser à côté de lui, mes bras de chaque côté de son corps lui coupant toute retraite « Ah vraiment, tu as été sage .. Je suis curieux de savoir pourquoi tu utilises ces mots en particulier. Est-ce que tu attends une récompense ? »

Depuis que je connais Yue, je ne crois pas avoir été capable de me retenir. Il y a ce petit quelque chose qui m’accroche à elle, qui fait que j’ai envie de la protéger alors que je n’ai aucun droit sur sa personne. Je ne suis aucunement de sa famille, je n’ai qu’une relation un peu particulière avec son père, une relation que j’arrive à peine à identifier. Je comprends très peu ce qui se passe entre nous. Mais d’avoir ce petit rayon de soleil dans ma vie me fait le plus grand bien. Je retombe moi-même en enfance en sa présence et je suis certain que ça peut se voir.

Les paroles de mon aîné me ramènent rapidement sur terre. Je relève les yeux vers lui, quittant mon verre. « Je ne crois pas en avoir. Jamais je ne te volerai ta place de père, tu ne dois pas t’en faire… » J’allais prendre une nouvelle gorgée, mais mon verre me fut rapidement retiré. Un fin couinement passe mes lèvres, me crispant légèrement en le voyant si près en si peu de temps. Il lui en fallait peu pour se rapprocher, mh.. Presque timidement, je relève un main, la posant contre le torse de Ren, hochant la tête de façon négative. « Tu m’avais demandé d’être sage, je n’utilise que les mots que tu as toi-même employés… » Je n’allais certainement pas lui dire que je ne serais pas contre une récompense. J’aurais eu l’air désespéré. Ma main remonta toutefois jusqu’à son cou, puis sa nuque, que je caresse avec délicatesse, tournant la tête vers le salon pour m’assurer que la petite y était toujours. « On devrait aller la rejoindre, pas jouer trop longtemps en cuisine, si tu vois ce que je veux dire… » Murmurais-je lentement, tournant une nouvelle fois la tête vers lui, trouvant rapidement son regard. J'avais surtout peur que Yue nous prenne sur le fait.

Même avec ma propre fille dans la pièce d'à côté et qui peut revenir à tout moment, je n'arrive pas à garder mes distances. Qu'est-ce qu'il y a chez lui qui fait que mes mains sont constamment attirées, que je dois le toucher sans cesse ? Je ne sais pas mais impossible de résister, et pourtant je suis loin d'être tactile en temps normal. Plutôt tout le contraire à dire vrai. C'est lui aussi, il me séduit sans même le vouloir. Enfin séduire .. Le mot me fait tilter mais c'est le premier qui m'est venu. Je balaie cette pensée aussitôt et me concentre sur les paroles de Masha. « Je sais, je ne t'accuse de rien. » Notre 'relation' est basée sur le fait que je ne le laisse jamais tranquille : j'ai toujours envie de le chercher voire de le pousser à bout, de l'enrouler autour de mon petit doigt. Je sens sa main contre moi et le regarde avec la même intensité que d'habitude. Il ne me laisse jamais indifférent, quoi qu'il fasse, et au fond, c'est peut-être lui qui a de l'emprise sur moi, mais plutôt mourir que de me l'avouer. Il vaut mieux ne pas se poser trop de questions. Agir plutôt que réfléchir, voilà la solution. « Je vois que tu écoutes ce que je te dis. C'est bien. » Ce même sourire satisfait flotte sur mes lèvres et sa main s'aventure dans mon cou. C'est depuis récemment seulement que je ne proteste plus lorsqu'il initie un contact, chose qu'il fait de plus en plus souvent ; à croire que ça ne me dérange plus autant qu'avant.

Je m'approche de ses lèvres pour m'en détourner au dernier moment finalement, mordant le lobe de son oreille à la place, mon corps le plaquant tout à fait contre le meuble. S'il ne demandait rien, soit : il n'aurait rien. Ce jeu du chat et de la souris .. Amusé par ses derniers mots, je me redresse et croise son regard une nouvelle fois. « Il ne faudrait tout de même pas qu'elle voit que je tente de m'approprier son prince charmant. »  

Il m’en faut si peu pour réagir à sa provocation. À croire qu’avec les années, je suis devenu friand de ces contacts, de cette proximité entre nous deux. J’avais du mal à m’en passer. Comme j’avais du mal à me passer de cette merde que je m’amuser à m’injecter, à avaler presque tous les jours. Je me disais que si j’arrivais au moins à changer cette dépendance, à la diriger vers autre chose, ce serait plus simple. Mais c’était bien plus facile à dire qu’à faire. Ce n’était pas aussi facile que de voler une sucette à un enfant, j’en étais pleinement conscient.

Un soupir passe mes lèvres lorsque je sens ses dents sur mon lobe. Jouer avec le feu, c’est l’impression que j’avais, dans le moment. J’entendis la voix de la petite retentir, clamant haut et fort qu’elle allait chercher toutes les couvertures disponibles de la maison, ses dires rapidement suivis par un bruit de pas frénétiques provenant de l’escalier. Un fin sourire se loge une nouvelle fois sur mon visage, m’accrochant une nouvelle fois à son regard. « Ce qu’elle ne sait pas ne lui fera pas de mal, tu sais. » Murmurais-je, l’ouïe en alerte, m’attendant à ce que la princesse revienne rapidement en cuisine pour venir nous chercher. Ça ne m’empêcha pas de tirer contre sa nuque, le rapprochant de moi juste assez pour m’approprier ses lèvres, l’embrassant beaucoup plus tendrement qu’à notre habitude. « Il ne faudrait tout de même pas qu’elle voit que son prince charmant tente de s’approprier le roi… » Chuchotais-je en guise de réponse, le bout de ma langue glissant contre la lèvre inférieure de mon aîné, le narguant ouvertement. Ce jeu auquel nous jouions. Allait-il simplement s’arrêter un jour?

Yue fait sa vie à côté et je ne peux m'empêcher de sourire en l'entendant. J'aurais parié sur les couvertures, c'était certain. On allait y avoir droit toute l'après-midi. Je n'avais rien contre, bien au contraire, je ne savais juste pas si le programme allait convenir à notre invité. J'espère qu'il était prêt à ne pas partir avant des heures.

Je le sens qui m'attire alors à lui et ne résiste pas, bien que l'ordre des choses soit inversé. Ce genre de gestes n'est pas habituel, moins encore venant de ma part. Je sens le retour du questionnement et évite de prêter attention à ma propre conscience, me perdant volontairement dans ce baiser pendant un instant pour ne plus penser à rien. Mes mains se posent sur ses hanches et le maintiennent  fermement contre moi. Je laisse mes dents s'attarder sur sa lèvre inférieure un instant et plonge mes yeux dans les siens. « Le roi aurait bien voulu garder le prince pour lui toute la journée .. Dommage. » Je glisse ma langue contre ses lèvres et j'entends Yue redescendre à ce moment là. « Papaaa ! Tu es où ? Et Masha ? Vous venez ? » Je sens son impatience et souris, mon visage encore tout proche de celui de mon hôte. Je me penche vers son oreille, mes mains toujours contre lui. « Une prochaine fois, tu peux en être sûr .. » Me détachant finalement de lui, j'attrape le lait à la fraise de Yue et agrippe le bas du t-shirt de Masha pour le tirer à ma suite vers le salon. « On arrive, mon cœur. » Quand on entre, il y a déjà une petite couverture au milieu de la pièce et une autre encore dans l'escalier qui semble avoir été abandonnée en cours de route. « Je vais chercher la grande couette. » Je relâche l'emprise que j'ai sur le t-shirt de mon invité en laissant mes doigts glisser contre son ventre, par mégarde bien entendu, et les abandonne un instant le temps de passer dans ma chambre pour la couette.

Je me sens un peu trop à l’aise dans cette situation. Quand je le sens répondre à mon baiser sans ce soucier de quoi que ce soit, quand ses dents s’attaquent légèrement à ma lèvre inférieure. Je semble oublier que sa fille est en train de revirer la maison à l’envers et, qu’à la base, c’est pour elle que je suis venue. Par pour passer du temps avec son père. Mais la façon qu’il a de me tenir contre lui, de me garder pressé contre le meuble, n’aide en aucun cas les battements affolés de mon cœur.

Je sursaute en entendant la voix de la petite Yue retentir dans la pièce – ou du moins, tout près de cette dernière. Mon regard accroché au sien, j’hausse légèrement une épaule avant de baisser la tête. « La journée du prince est peut-être bien remplie, mais sa soirée et sa nuit, elles, ne le sont pas… » Comment j’arrivais à me vendre aussi facilement. À lui dire indirectement que s’il le voulait, je pouvais rester ici toute la nuit, si ça lui convenait. Je le laisse me tirer au salon, sentant mes joues s’empourprer sans trop comprendre pourquoi, écarquillant les yeux en voyant le bordel que Yue venait déjà de créer. Ce ne serait pas une partie de plaisir de tout ramasser, en effet. Je viens pour ouvrir la bouche lorsque je sens les doigts de Ren glisser contre mon ventre, ce dernier se crispant, ma voix se cassant au creux de ma gorge. Je tourne directement la tête pour être dos à la petite, qui entreprend de retirer tous les coussins des canapés afin de créer des murs, fermant les yeux pour prendre une longue inspiration. Qu’est-ce qui me prend? Pourquoi suis-je autant à fleur de peau? Je tente de me reprendre rapidement, m’agenouillant près de la petite, attrapant la couverture qu’elle a déjà amené afin d’en coincer un côté entre un canapé et un mur, la tirant de l’autre côté de la pièce pour créer ce qui nous servirait de toit. « Mademoiselle veut grand château ou une simple maison où nous pourrons tous vivre? » Lui demandais-je, tournant la tête en entendant mon hôte redescendre. « Monsieur le Roi, avez-vous des demandes particulières..? »

Peut-être que monter un instant pour me retrouver seul n'est pas une mauvaise idée. Je n'arrive définitivement pas à me tenir loin de Masha, c'est une évidence, c'est surtout plus fort que moi. S'il reste tout l'après-midi, je sais pertinemment que je n'arriverais pas à garder mes mains pour moi et Yue finira par le remarquer tôt ou tard. Je pense à la tête que pourrait faire Masha on se faisait surprendre un peu trop proches lui et moi. Rien que pour ça, j'ai presque envie de provoquer le destin. Non, pas presque. Je vais définitivement chercher son contact tout le reste de la journée et apprécier chacune de ses réactions. J'ai trouvé un nouveau jeu et je sens que je vais bien m'amuser.

Je récupère la couette et la plie un minimum pour qu'elle soit moins encombrante avant de redescendre. Je ramasse celle qui traîne dans l'escaliers et lève finalement les yeux en entendant la voix de Masha. Ca commence à prendre forme et le salon va bientôt se transformer en place forte, comme régulièrement. « J'en aurais quelques unes, mais pas pour le château .. » Je passe ma langue sur mes lèvres pour les humidifier et fais comme si de rien n'était, m'approchant pour poser la couverture sur la tête de Yue qui me lance un « Hééé, papa ! Je vois tout noir ! » Je glisse un de mes doigts dans le col de Masha et me penche vers lui à nouveau. « .. si tu vois ce que je veux dire. » Je lui murmure cela avant de me redresser et de le contourner, regardant Yue ressortir de sous la couverture quelque peu décoiffée. Je pose la couette par terre et laisse échapper un petit rire en voyant sa moue boudeuse avant de m'approcher d'elle à nouveau pour la recoiffer et lui remettre son diadème correctement. « Voilà petite princesse, toute belle. » Elle se remet aussitôt à la construction et moi, je vais chercher deux chaises juste à côté dans la salle à manger pour les ramener et étendre un bout de la couette dessus et l'autre sur le canapé pour tendre le tout. « Pousse toi Papa s'il te plaît, on veut rentrer .. » Visiblement, je dérange. Je me retourne pour voir ma petite crevette tirer Masha par la main vers l'entrée du château de fortune. « Depuis quand une princesse kidnappe-elle son prince ? » Elle me sourit d'un air faussement innocent et cela suffit à me faire fondre.

Le jeu du chat et de la souris se fait de plus en plus sentir. Je ne sais pas si c’est parce que je suis directement dans la tanière du chat, mais la souris que je suis a du mal à se défaire de ses griffes. Peut-être que je n’ai plus envie de me sauver, en fait. Je pousse un léger rire en voyant la couverture tomber sur la tête de Yue, cette dernière se plaignant et tentant de se sortir de ce piège. Mes yeux se relèvent toutefois pour se glisser dans le regard de Ren, buvant ses paroles une à une, comme si elles étaient le meilleur nectar du monde. Cette provocation… Il jouait littéralement avec mes nerfs et ça lui plaisait.

L’air boudeur de Yue me suffit à reporter mon attention sur elle, encore plus lorsqu’elle attrapa ma main et qu’un air sérieux se glissa sur son visage. « Je crois que je n’ai point de la choix de la suivre, mon roi… » Elle me força à me pencher, me tirant jusqu’au fond de la pièce nouvellement créée, les couvertures tamisant la lumière qui pouvait entrer. Ma vision fut directement réduite, le bout de mon nez se froissant. Je n’avais pas pensé à ce détail… Et Yue ne devait pas savoir. « Par contre, Yue, il y a assez de place pour ton Papa. Tu prépares le thé pendant que je vais l’inviter? » Lui demandais en glissant ma main dans sa chevelure, ses yeux pétillants trouvant les miens alors qu’elle hochait vivement de la tête. Je me mis donc à quatre pattes, butant contre la chaise que j’avais zappé, me relevant ensuite rapidement en replaçant mes vêtements, distrait par la voix de la petite qui chantonnait dans sa cabane. « Je vois très bien ce que tu veux dire… » Murmurais-je en direction de mon hôte, me dirigeant d’ailleurs vers lui. Ma main se glissa au creux de la sienne, mon visage au creux de son cou, laissant le bout de ma langue y passer avec envie. « …J’aimerais un peu plus de détail, tu vois. Pour aider à planifier. »

L'ambiance est bien différente de d'habitude et pourtant, ce n'est pas déplaisant. Qui aurait cru. Le rapport de force que je lui impose en temps normal s'est transformé aujourd'hui en une sorte de jeu. Est-ce parce qu'on est directement chez moi ? Je ne vois pas trop ce que ça peut changer en vrai. Peut-être que la présence de Yue modifie quelque peu mon comportement et joue en la faveur de Masha. Tout ce que je sais, c'est que ce n'est pas désagréable.

Masha me regarde avant de disparaître sous la couette avec Yue. J'entends sa voix et un fin sourire étire quelque peu mes lèvres. La chaise bouge légèrement sous la couette et je le vois finalement sortir, haussant un sourcil. Yue se met à chanter tandis que lui se relève et s'approche de moi, mon sourire s'élargissant dans un air des plus satisfaits. Il s'approche toujours plus jusqu'à ce que son visage se retrouve dans mon cou. Je me lèche les lèvres et frissonne d'envie sans pouvoir me retenir, glissant mes doigts dans sa nuque puis vers ses cheveux. Ma main libre passe dans son dos sous son t-shirt, incapable de me retenir. Je le veux. Maintenant. Je sais aussi que ce n'est pas possible et je grogne de frustration. Yue est juste là, à côté de nous, juste derrière une couverture.
Je tourne la tête et mordille la base de son cou en espérant me calmer ainsi mais je n'ai qu'une envie c'est d'y laisser une nouvelle marque et d'aller plus loin. Mauvaise idée. Je lui fais soudain faire demi-tour, son dos contre mon torse, une main toujours dans ses cheveux et basculant sa tête sur le côté pour me laisser souffler contre sa peau. « Tu seras mien aujourd'hui, même si je dois attendre. » Ce n'est pas mon fort, la patience, il le sait tout autant que moi. C'est à ce moment là que Yue passe la tête à travers l'entrée et lève de petits yeux curieux vers nous. « Qu'est-ce que vous faites ? » Réactif, je lui adresse un sourire l'air de rien. « Rien mon cœur, j'avais juste une ou deux choses à mettre au point avec le prince Masha. » Je le relâche à ces mots et lui indique l'entrée d'un geste de la main, affichant ce même air satisfait tout en fixant le fameux prince. « Après vous .. »

Comment osons-nous agir ainsi en présence d’une gamine? Pourquoi n’arrivais-je plus à me concentrer lorsque Ren était dans les parages…? Je me laissais aller à une tentation que je ne pouvais maîtriser. Et pourtant, ce caractère plus doux, moins teinté d’agressivité, le caractère de père qu’il arborait m’attirait encore plus qu’à la normale. Peut-être parce que j’aimais le tout, ce personnage si différent qu’il était. Après toutes ces années, je me demande à quel point j’ai pu m’attacher à cet homme. Serais-je capable de vivre sans sa présence à mes côtés?

Je ferme lentement les yeux, sentant sa main entrer en contact avec ma peau, m’électrisant automatiquement. Je n’ai plus envie de reculer, de me sauver, de retourner sous cette cabane. J’avais envie de filer dans sa chambre, de m’enfermer avec lui jusqu’à me perdre, à ne plus savoir ce que je voulais. Je ne savais déjà pas ce que je voulais, ce que j’attendais de sa part. Il me retourne, glisse sa main dans ma chevelure. Je le laisse docilement tilter ma tête vers l’arrière, déglutissant difficilement. « Tout ce que tu voudras. » Autant qu’il le voudrait, d’ailleurs. Où et quand il en aurait envie. J’était prêt à m’offrir peu importe le moment, peu importe les circonstances. Je sursaute directement en entendant la voix de la petite, mon regard se posant sur elle, sentant mes joues virer au rouge en quelques secondes. Je savais que ça risquait de mal finir, ce petit jeu. « Papa s’assure que je sois un bon prince pour sa princesse, ne t’inquiètes pas… » Lui murmurais-je, m’accroupissant pour entrer une nouvelle fois sous notre château de fortune, tendant toutefois une main en dehors de ce dernier afin de tirer Ren à l’intérieur. Ce que ma main rencontra n’avait toutefois rien du haut que je visais. Je réalise bien rapidement que mes doigts tâtent le pantalon de mon hôte en un endroit un peu trop intime, heureusement caché de vue à la petite, cette dernière me tendant une tasse de thé vide. « Mon Roi, le thé sera froid si vous ne vous dépêchez pas. »

Je ne tiens pas à faire un show devant Yue, loin de là. Je compte bien la préserver de tout ça le plus longtemps possible d'ailleurs et la laisser innocente et naïve tant que je le peux. C'est de la faute à Masha tout ça. Difficile de se concentrer sur autre chose quand il est dans les parages ; j'ai l'impression que son corps appelle le mien presque. Après tant d'années, il y a une familiarité physique entre nous, bien plus que ce que je veux bien m'avouer. Quelque chose est en train de changer. Dix ans à entretenir une relation de domination purement physique, pourquoi changer maintenant ? Ce n'est pourtant pas quelque chose de volontaire au contraire, j'agis presque malgré moi, et c'est pour ça que je dis que tout est de sa faute à lui. Cette façon qu'il a de me céder par contre, ça ne change pas. Ces quelques mots me laissent sur ma faim et me donnent envie de plus tout de suite. Ce n'est pourtant pas possible.

Nos explications suffisent à ma petite princesse qui retourne dans son château de fortune en nous sommant du haut de ses 5 ans d'en faire de même. Mes yeux croisent ceux de Masha à nouveau et je vois que ses joues sont rouges. Je le vois alors se déplacer pour rejoindre Yue et détourne les yeux un court instant seulement, sentant sa main s'attarder sur mon pantalon. Un léger grognement s'échappe d'entre mes lèvres. De nature impatiente de base, je suis déjà en train de me contenir et lui joue ouvertement avec moi comme ça ? Ce n'est pas la première fois qu'il joue avec le feu et visiblement, il ne cessera jamais.

J'enroule mes doigts fermement autour de son poignet et déloge sa main avant de me baisser à mon tour pour les rejoindre. Il veut jouer ? Aucun problème. Masha est entré et je jette un coup d'oeil avant de me glisser à mon tour sous la couette. Heureusement que mes hommes ne me voient pas ainsi hmm .. Ma petite princesse me demande d'aller m'asseoir à côté de Masha si je veux ma tasse de thé et je m'exécute aussitôt. Je m'assois où elle m'a dit et pose une de mes mains haut sur la cuisse de mon hôte. « Si tu veux remplir les tasses, je t'ai sorti du lait à la fraise que j'ai posé sur la table de la salle à manger. » Elle regarde sa tasse vide et pose le tout pour sortir à nouveau dans un gazouillis et je presse ma main sans attendre contre Masha, remontant encore. Moi aussi je peux jouer avec lui, et ça peut même durer très longtemps.

Je n’avais pas fait exprès, je pouvais le jurer. Je n’avais pas intentionnellement posé ma main contre son entrejambes. Je ne l’aurais pas volontairement fait même si j’avais pu le faire. Je ne bougeais toutefois pas ma main, la laissant à cet endroit, le grognement de mon hôte me venant rapidement aux oreilles. Je savais qu’il était impatient. Je savais qu’il avait déjà du mal à attendre et au fond de moi-même, je pouvais ressentir cette même impatience. Bien rapidement, je sens ses doigts attraper mon poignet, tentant de garder mon sang froid venant la petite qui glisse ma tasse de thé entre mes doigts. « Merci bien, ma belle princesse. » Dis-je en direction de la petite, entrant un peu plus loin sous notre château improvisé.

Il fallut très peu de temps à Ren pour se venger. Sa main rencontra ma cuisse et le feu qui brûlait mes joues s’intensifia, aussi bien que celui qui rongeait désormais mon bas-ventre. Pourquoi me laissais-je aller trop facilement, bon dieu? Et puis, cette idée d’envoyer la petite plus loin une nouvelle fois. « J’adore le lait au fraise… » Murmurais-je faiblement, ma voix se coupant en sentant la main de mon aîné remonter, peut-être un peu trop haut. Je tendis une main pour attraper le col de son haut, le tirant vers moi, me collant, cette fois-ci, volontairement contre cette main qui se voulait vengeresse. J’avais envie. Je voulais le sentir contre moi. Qu’il me fasse sien sans plus attendre, que je me perde entre ses bras. « C’est tout sauf raisonnable, Ren… » Je plante du mieux possible mon regard voilé dans le sien, bougeant légèrement pour me retrouver à cheval sur lui, me pressant un peu plus subjectivement contre sa main. « Tu crois vraiment pouvoir attendre aussi longtemps? Jusqu’à ce qu’elle se couche, qu’elle n’ait plus d’énergie..? Parce que pas moi… »

Yue sortie, il est si facile de se laisser prendre au jeu. Je sais me tenir devant elle mais il est vrai que Masha a le chic de me rendre fou. Ce n'est quand même pas difficile d'attendre quelques heures et pourtant, voilà que je suis là, mes mains sur lui alors que Yue ne s'est absentée que pour un court instant. Je vois que je ne suis pas le seul impatient lorsqu'il agrippe mon col pour m'attirer à lui. Je lui souris toujours de ce même air satisfait : je crois que j'aime assez quand il agit de lui-même au final, surtout quand cela traduit une envie de sa part. « Je n'ai jamais prétendu être raisonnable. » Il se retrouve sur moi et je ne peux pas dire que j'en suis mécontent. J'aurais pensé que Masha aurait été le plus responsable des deux et aurait tenté de me contenir mais visiblement, je ne pouvais pas compter sur lui.

Mes deux mains sont sur ses hanches maintenant. Je reste silencieux à ses mots qui ne font qu'attiser mon désir. Je me mords la lèvre en me demandant comment répondre à ses attentes, et aux miennes par la même occasion. Mes mains glissent vers le bas de son dos et je laisse le bout de mes doigts passer dans son pantalon. Je m'approche de ses lèvres dans un soupir frustré. « Pourquoi tu me fais ça ? » Je ne veux pas attendre non plus mais lui comme moi savons que c'est impossible pour le moment. Il est difficile de résister quand son corps est collé au mien de la sorte. « Si j'avais le choix, tu serais déjà en train de crier mon nom, crois-moi. » Les pas de Yue se rapprochent à nouveau et je retire mes doigts de son pantalon. Je prends une profonde inspiration pour tenter de me calmer parce que ces dernières minutes ne m'ont clairement pas aidé à prendre mon mal en patience. « J'ai trouvé ! » J'entends ma petite princesse qui revient. Je n'ai pas bougé et je me demande ce que Masha va bien pouvoir trouver comme excuse pour sa position, je suis curieux de voir ça.

Mon corps réagit de lui-même. Je n’arrive plus à me faire volte-face, à m’éloigner, à me dire que cette proximité m’est néfaste, chose que j’avais toujours pensé. Je m’étais laissé emporter pendant une dizaine d’années, je m’étais laissé faire sans rien dire. C’était toujours le cas. Je ne savais franchement plus quoi faire. Le regard de Ren sur mon corps me rendait tout chose. Ses mains sur mes hanches n’aidèrent en rien les choses, encore moins lorsqu’il décida de les pousser un peu plus loin. Je savais qu’il n’était pas raisonnable. Nous ne l’avions jamais été et j’avais le sentiment que jamais ça ne changerait.

Mon souffle se mêla à celui de mon aîné, fermant les yeux, profitant de la pénombre, de la proximité, du silence brisé par les pas de la petite qui revenait. « Je pourrais te poser la même question, Renshu… » Mes yeux s’ouvrirent une nouvelle fois, se fichant dans le regard de mon hôte. Je crois que c’était la première fois que j’osais utiliser son prénom complet, chose qui, étonnamment, ne m’était pas bizarre. Son prénom coulait si facilement entre mes lèvres et ses propos soudains me mirent l’eau à la bouche. Ses mains me quittèrent. Je tourne la tête en entendant la voix de la petite, mes yeux s’écarquillant vivement. Merde. Qu’est-ce que je peux faire? Rapidement, je pose mes lèvres sur le front de Ren, posant l’un de mes poignets contre mon front, prenant un air concerné. « On dirait bien que tu fais de la fièvre. Tu aurais pu me le dire que tu ne te sentais pas bien. Je vais chercher des cachets. » Dis-je, me glissant rapidement hors de notre château, la petite y retournant rapidement. J’espérais seulement qu’elle ne pose pas trop de questions. Que Ren ne ferait pas le malin en disant qu’il se sentait parfaitement bien.

Où est passé le Ren habituel ? Je n'en sais rien et sincèrement pour le coup, je ne m'en préoccupe pas tant. Tout ce que je sais c'est que Masha est sur moi mais que je ne peux rien lui faire pour le moment. Ce n'est très certainement pas l'envie qui manque, ça, c'est certain. Il ne fait rien pour arranger la situation en plus et m'aguiche ouvertement, de plus en plus semble-t-il. Tout ce qui m'empêche d'en faire ma chose dans cette cabane de bonne fortune au milieu de mon salon, c'est Yue. Il est hors de question que je m'exhibe devant ma petite princesse, bien que je n'ai pas repoussé mon hôte quand il a grimpé sur moi. Je suis sûr qu'il sait ce qui me retient et surtout ce que je vais lui faire à la première occasion venue.

La tension entre nous est grandissante et définitivement palpable. Les yeux de Masha s'ouvrent et il soutient mon regard. Je veux l'entendre à nouveau dire mon prénom, mais dans un autre contexte. Il faut que je me calme ou je vais craquer et le basculer ici même. Yue réapparaît et mes yeux se fixent sur elle, qui brandit la petite brique fièrement. Je me fais alors surprendre par les paroles de Masha et plus encore par ses gestes. Il faut peu de temps pour que je m'en amuse finalement, plus particulièrement en le voyant sortir. Ma petite crevette vient prendre sa place sur mes genoux et pose ses mains sur mes joues pour me tourner le visage dans tous les sens. « Tu te sens mal, Papou ? » J'attrape le bout d'une de ses mèches et joue avec en secouant doucement la tête de droite à gauche. « Ne t'inquiète  pas mon coeur, je me sens très bien. Masha avait juste très envie de jouer les infirmières. » Je récupère alors les tasses abandonnées et les pose devant moi, tendant la main vers Yue pour lui réclamer la petite bouteille qu'elle avait ramenée. « Alors, on le boit ce lait ? »

Je pose lentement ma main sur mon propre front, fermant les yeux un moment, tentant de reprendre un rythme respiratoire normal. Peut-être que j’étais celui qui faisait de la fièvre. Celui qui ne pouvait vraiment plus se contrôler, entre nous deux. C’était très certainement moi, oui. J’avais du mal à rester en place seulement en sachant que son regard était posé sur mon corps. Je file vers ce que je crois être la salle de bains, ne m’étant pas trompé. J’attrape le pot d’aspirines, l’ouvrant pour sortir deux cachets, en sortant deux autres de plus en me ravisant. Je glisse ces deux derniers entre mes lèvres, les avalants directement, refermant ma main sur les deux autres cachets. S’il ne voulait pas les prendre, je n’aurais qu’à les gober moi-même.

La voix de Yue me ramena sur Terre. Je ne sais pas ce que son père venait de lui dire, mais elle venait d’éclater de rire et un grand sourire se logea sur mon visage. J’étais en train de me dire que, peut-être, partir pour revenir plus tard ne serait pas une bonne option. La tension entre nous diminuerait un minimum et nous n’aurions plus envie de se manger tout cru. Mais quelque chose me disait que la petite crevette ne me laisserait pas partir, encore moins Ren. « On s’amuse bien sans moi, à ce que je vois. Infirmière Masha est de retour. » Dis-je en brandissant les cachets, retournant doucement sous notre château. Je pris place devant mes hôtes, glissant les cachets dans la main de Ren, attrapant son regard au passage. « Je commence à être fatigué. Entre Yue et moi, je crois que je suis l’enfant qui aurait besoin d’une sieste. » Dis-je en riant, attrapant ma tasse qui était maintenant pleine de lait. Je la vide d’un seul trait, exprimant ma satisfaction avant de m’allonger au sol, fermant les yeux. « J’ai du mal à retrouver mon énergie. » Murmurais-je, plus pour Ren que pour Yue. Je savais qu’il comprendrait d’où cette faiblesse venait.

Le rire de Yue sonne comme une douce musique à mes oreilles. Elle est vraiment une des seules dont la présence me déride autant, et tout naturellement. Sa présence m'aide définitivement à ne pas agir aussi froidement que d'habitude avec Masha, qui me connaît sous un jour tout autre pour sa part. C'est la première fois qu'il passe vraiment du temps avec ma fille et qu'il est ici, chez moi, sans véritable raison, et je me demande si cette après-midi va changer quelque chose dans mon comportement avec lui sur le long terme. Je verrai bien en temps voulu. Pour le moment, j'agis comme j'ai envie de le faire et c'est tout.

Yue est la première a remarquer le retour de Masha et elle se pousse pour éviter de bloquer l'entrée. On rentre tous les trois, oui, mais ça n'empêche qu'on est un peu à l'étroit là dedans. Je tourne la tête vers ma princesse au mot 'infirmière' et la vois sourire jusqu'aux oreilles, comme une petite blague entre nous. Il me donne des cachets et je les regarde un instant ; je ne me sens pas mal mais depuis la dernière fois, je me rends compte que je suis un peu réticent à l'idée de voir Masha avec des comprimés et je les avale sans réfléchir pour ne pas les laisser traîner. Je le suis alors des yeux et le vois finalement s'allonger. « Oh, tu veux dormir ? »  La chair de ma chair a demandé avant même que je ne puisse prendre la parole. Je vide ma tasse dans une petite grimace sous l'effet du goût trop sucré pour moi. Yue s'applique à tirer un bout de couverture sur Masha et cela me fait sourire. Elle s'allonge alors à côté de lui et je hausse un sourcil, plutôt étonné. « Quoi, tu veux faire une sieste toi aussi ? »  Elle dort tous les jours, mais la voir se coucher d'elle-même alors ça, c'était une première. A croire que Masha était la meilleure des motivations. Pendant un instant, je les regarde tous les deux allongés dans cette cabane de couvertures, silencieux. Sa voix à lui se fait alors entendre et je rapporte mon attention sur lui pendant que Yue cherche encore une position qui lui plairait. « Tu manges assez, au moins ? »  Je le fixe et esquisse un geste vers lui avant de me raviser en me rendant compte de ce que je suis sur le point de faire.

J’ai l’impression que les choses sont en train de changer. Je ne sais pas trop dans quel sens, ni si c’est pour le mieux, mais définitivement, la présence de Yue entre nous a quelque chose de calmant. Et je dois dire que l’épisode de l’autre soir a, dans un sens, aidé à ce que notre relation soit un peu plus. Fusionnelle. Je ne sais pas trop comment expliquer. Une semaine s’était écoulée entre ce que j’avais et aujourd’hui et sans aucune gêne, j’avais pensé à Ren. Je m’étais demandé comment tout se serait déroulé s’il n’était pas venu chez moi. Si personne ne m’avait trouvé. Si personne ne m’avait forcé à recracher ce que j’avais ingurgité. Je lui devais ma vie.

Un léger coup porté sur mon torse me fait revenir sur terre, remarquant que Yue avait tiré la couverture sur mon corps et qu’elle tente maintenant de se trouver une position confortable à mes côtés. « Tu as un lit pour faire dodo, petit chaton. » Je ne gêne toutefois pas et l’encercle de mes bras, la lovant contre mon torse, l’entendant rire une nouvelle fois, esquissant un sourire aux paroles de mon hôte. Alors cette petite n’aimait pas dormir? Pourtant, elle semblait prête à s’endormir à tout moment, les yeux déjà fermés, le nez enfouit contre mon haut. Mes yeux captent furtivement le mouvement de Ren, penchant légèrement la tête en voyant qu’il se stoppait. « Oui, je mange assez. Je fais attention à ce que je prends. » Je tends l’une de mes mains, gardant l’autre contre la petite, venant chercher les doigts de mon aîné qui traînaient non loin, esquissant un sourire doux et quelque peu endormi, ce dernier se voulant rassurant. « C’est grâce à toi. Merci… » Mes doigts se nouent aux siens et je ferme les yeux, poussant un soupir de soulagement, me disant que je n’aurais pu me trouver dans une situation plus agréable que celle-ci.

C'est en les voyant tous les deux allongés ainsi que je prends conscience du fait que Masha est devenu en quelque sorte un privilégié. Pourquoi, je n'en sais rien. Je me rends compte qu'il y a beaucoup de choses que je ne sais pas, que je n'arrive pas à expliquer quand il est question de lui. Mes sourcils se froncent légèrement. J'ai l'impression que je ne suis plus maître de tout et que la situation m'échappe, ça m'inquiète.

Ils me tirent tous les deux de mes pensées. J'ai presque l'impression que Masha est de la famille quand je le vois passer ses bras autour de Yue. La petite lui fait aveuglément confiance même si elle ne le connaît que depuis peu en vérité. « Si, elle a même un très beau lit, mais quand elle peut dormir ailleurs, elle le fait. » Je ne compte plus le nombre de fois où je l'ai retrouvée à côté de moi le matin, encore endormie. Masha me répond et je le regarde un instant. J'espère bien qu'il mange correctement, et de la vraie nourriture, pas des compléments alimentaires ou toutes ces autres merdes. Ses doigts viennent trouver les miens mais je ne le quitte pas des yeux pour autant. « Je ne sais pas ce qui t'a pris. » Du moins, j'essaye d'imaginer ce qui a pu le pousser à faire ça, pour ne pas avoir à envisager le fait que c'est peut-être moi.

Mes yeux tombent finalement sur Yue qui ne bouge plus désormais ; à croire que la présence de Masha l'appaise. Je me rapproche et glisse une main contre ses cheveux doucement. « Je vais la monter, il ne fait pas chaud ici. » Il y a des couvertures au dessus de nos têtes et sur les côtés mais rien au sol et je ne vais pas la laisser dormir ainsi. Je tourne la tête vers lui et l'observe un moment. « Si tu veux vraiment faire une sieste, j'ai un lit tu sais, bien plus confortable que le sol. » Et je ne pense même pas à quoi que ce soit de sexuel en disant cela, enfin presque pas. Je sais ce qu'il s'est passé et j'imagine qu'on ne s'en remet pas en quelques heures ; mon lit sera la sien s'il le souhaite.