Il est question de l'une de ses histoires simples et sans contraintes, sans drames et sans euphorie. Une histoire linéaire et sereine, à un seul détail près. Celle détenant l'identité de Choi Eunsil est née dans la ville de Busan, au sud-ouest de la Corée du Sud. Près de la mer.
Aussi loin qu'elle se souvienne, son enfance a été une heureuse – par chance. Fille unique, l'enfant a toujours été noyée sous l'attention et sous une demi-tonne d'amour quotidien sans se rendre compte que ce n'était malheureusement pas donné à tout le monde. Ainsi était-elle sensiblement plus capricieuse et plus gâtée, telle une princesse. Elle n'était pas désagréable pour autant, mais estimait des choses dues alors qu'il n'en était rien. Et par chance, encore une fois, sa famille était assez aisée pour accéder aux moindres de ses désirs. C'était une longue route chatoyante et heureuse qui l'attendait et, l'espérait-elle, un happy ending. Malgré les certaines intempéries dues au climat d'un bord de mer, la pluie ruinant ses très longs cheveux ainsi que ses habits auxquels elle apportait tant d'importance, la belle a toujours aimé cette ville. Les habitants y étaient tous chaleureux et prêts à donner un coup de main en cas de pépin. Eunsil vivait dans un conte de fée sans en avoir l'impression. Son école n'était pas très grande mais tout le monde se connaissait et la confiance régnait. Oui, c'était en effet une jolie vie idyllique qui attendait la future policière.

Jusqu'à ce que sa chance la quitte un soir, alors qu'elle était vautrée sous ses couvertures rêvant d'un prince charmant. Le son de cris soudain et d'une porte qui se claque. Elle n'avait même pas eu droit à son baiser de bonne nuit, et elle ne revit plus jamais son père. Elle ne sut pas la cause de leur divorce, de leur dispute et ce qui semblait être pour elle une première fois alors qu'il s'agissait de longues et douloureuses années de déchirures cachées à leur unique fille qu'ils aimaient plus que tout. Mais pas assez pour continuer le rôle des parents qui s'aimaient encore quand l'adultère avait été plus fort que leurs sentiments. La dépression sans fin de sa mère et le choc de la nouvelle trop subite firent comprendre à Eunsil à quel point elle avait été chanceuse tout le long – et à quel point elle était passée à côté de tout en pensant que tout lui avait été du et que c'était normal. Elle avait treize ans. Rentrait désormais dans une maison maussade pour trouver une mère ivre morte sur le canapé et fut obligée de devenir indépendante à un trop jeune âge. Elle rentrait le soir pour préparer à manger, s'occuper de sa mère et faire ses devoirs très tard le soir. La pauvre n'avait presque aucune heure de sommeil – mais cela ne la dérangeait presque pas, car le soutien des habitants de la ville était tel qu'elle savait qu'en cas de besoin on serait là pour elle, que si elle prenait une semaine hors de l'école pour souffler on ne lui en voudrait pas. Et ce sentiment d'aide, de soutien et de quiétude valait beaucoup plus que la fatigue qui se lisait dans ses yeux. Elle réalisait enfin à quel point les bonnes personnes étaient rares et à quel point elle avait été capricieuse. Cette prise de conscience lui donna son altruisme transcendant et sa maladive envie d'aider tout le monde – se rendant compte que c'était rare et précieux.

Elle trouva du réconfort quatre ans après. Pendant ses études au lycée où elle rencontra ce garçon beaucoup trop vieux pour elle – mais beaucoup trop séducteur et envoûtant pour résister à ses avances. Sa mère ne s'occupait plus de ses affaires et elle ignorait si son père était encore en vie – qui allait lui en empêcher ? Ainsi se laissa-t-elle tomber dans les bras de ce beau jeune homme aux intentions maléfiques sans s'en rendre compte. Elle quitta Busan à contre-coeur après son diplôme pour entrer dans une école de police à Séoul. Et tout sembla l'emmener aux portes de l'enfer une nouvelle fois quand elle se rendit compte que le soi-disant plus beau jour de sa vie où il avait osé lui mettre la bague au doigt après l'obtention de son diplôme officiel et de son entrée dans les forces de l'ordre, n'était qu'une vaste blague. Il tentait de l'utiliser pour couvrir ses fraudes. Aveuglée par l'amour pendant une petite heure après la découverte de ses plans, elle se ressaisit néanmoins très vite et décida de lui passer les menottes elle-même. Mais néanmoins garda sa place à Séoul, contente que son intégrité et son caractère doux et profondément gentil à l'image des habitants de sa ville natale l'amèneraient bientôt à une promotion qu'elle ne refusa pas.
Peut-être que sa chance était finalement revenue.