Ta gâchette au doigt, ma vie est à toi. Ma gâchette au doigt, ta vie est à moi (tenue) ✻✻✻ Ça martèle, ça cogne, ça gratte – sa carcasse tremble. Il y a repensé. Il n'aurait pas dû. À l'intérieur de son être, quelque chose réclame son dû : la fille. Qui a imprégné chaque parcelle de son corps. Issa ferme les yeux et s'adosse au mur le plus proche, traçant de ses doigts fins les anfractuosités des briques. L'obscurité l'engloutit, elle l'enveloppe de ses tendres bras, laissant s'insinuer dans son être une sensation chaleureuse et un frisson brûlant qui glisse sur son échine glacée. En rouvrant les yeux, seul le regard clair de la fille apparaît. Quand il braque son regard noir sur le ciel, l'absence de lumières renforce son envie d'attraper la fille. De la voir trembler. Angoissée, énervée – prise au piège. Qu'il n'a aperçue quelques secondes, pourtant, dans une ruelle – une simple rencontre furtive qui s'est produite il y a quelques jours. Elle n'a rien vu. Elle ne l'a pas vu. Ce n'est pas grave, Issei est souvent seul dans sa folie. Il sourit au ciel face à toutes ces petites tâches lumineuses qui captent son regard monochrome. Et tourne le dos, les mains dans les poches de son costume. Désuet, quelque peu tâché, çà et là, il n'a pas une tenue élégante. La cravate pend négligemment à son cou, la veste n'est pas boutonnée et ses cheveux longs virevoltent au grè de leur envie. Issei retourne dans son minuscule appartement, après avoir terminé d'espionner le commissariat de police. Sa porte n'est même pas verrouillée ni fermée, c'est qu'il attend des visiteurs. À peu près six policiers, dont la fille. Il prend place sur son bureau, ses doigts décorés de bagues argentées pianotent sur le clavier. Sous ses yeux défilent des codes, énormément de codes, qu'il décortique, qu'il analyse, qu'il assimile. Son sourire s'accentue lorsqu'il en arrive au bout et son index se pose sur la touche Entrée. Deux secondes d'hésitation, deux secondes que ça lui coûte mais sa folie prend le dessus alors il appuie sur le bouton. L'attaque est finalement lancée, il ne reste plus qu'à attendre. Enfoui dans son fauteuil, sa jambe gauche posée sur la droite, ses doigts attrapent un vieux cigarillo déjà entamé qu'il rallume. La fumée l'encercle et Sei s'encrasse les poumons ; l'attente est longue. Elle provoque des spasmes, un certain tremblement. Issei est beaucoup trop impatient pour son propre bien... Une vingtaine de minutes s'écoulent. Et puis une autre. Le cigarillo reste toujours coincée entre ses lèvres, son fauteuil tourné vers la porte. Et puis, des pas lourds dans le couloir. Son sourire s'agrandit. Une dizaine de secondes de silence, sans doute de préparation. Et la porte est repoussée violemment, elle claque contre le mur. Une arme braquée sur lui, et Issei s'en réjouit. Ses doigts attrapent le cigarillo et il lève les deux mains en l'air. « Vous m'avez attrapé. » Lâche-t-il avec arrogance, ses yeux ne quittant pas ceux de la fille. Leurs regards se scellent et leurs destins se lient.
