« Ne me regarde pas comme ça s'il te plaît, tu n'as pas la moindre idée de ce que c'est d'aimer quelqu'un comme toi. » crachais-je amèrement mais à basse voix. Ce silence de plomb par son règne intégral exprimait l'étendu de ma tristesse. J'étais totalement perdu, anéanti, j'avais envie de hurler, casser tout ce qui se trouvait sur mon passage. Mon cœur se tordait douloureusement dans tout les sens et ma gorge formait une boule m'obligeant à effectuer un effort Herculéen pour réussir à aligner quelque mot. Contrairement à la douleur embaumant mon corps, je ne laissais rien paraître. Debout derrière moi, je l'entendais inspirer fortement retenant un sanglot avant d'essuyer vivement à la l'aide de sa manche les quelques perles salées tombant sur son visage. « Ils t'ont fait du mal, je ne pouvais pas laisser passer ça. » Une nouvelle fois, elle ne répondit pas.


Elle était partie. Sans une adresse et sans aucune raison donnée. Elle avait pris toutes ces affaires, vidé son armoire et ses commodes me laissant avec cet amour brûlant.  Mon caractère parfois sanglant, ma jalousie maladive et mon impulsivité incroyable avaient-ils eu raison de notre amour ? Évidemment, j'avais tenté de la contacter, de la retrouver : j'avais téléphoné a tous ses amis, contacté sa famille, engagé un détective privé. Impossible de la retrouver.
Deux ans était passé et mon désespoir s'était transformé en colère au fil du temps. J'étais en colère contre moi, contre elle, contre le monde entier. J'avais tué pour elle, plus d'une fois et j'étais prêt à tous leurs exploser la cervelle si il le fallait. Je l'avais protégé du mieux que je le pouvais, je m'étais arrangé pour la sortir des merde les plus  profonde dans lesquels sont pères par son statut de mafieux l'avait plongé. Et elle, elle m'avait laissé comme un chien qu'on abandonne sur une route.


Aussi longtemps que je me souvienne, j'ai toujours été quelqu'un d'un peu à part. Enfant, je n'aimais pas l'école et je crois que l'école ne m'aimait pas beaucoup non plus. Je ne voyais pas l'intérêt à rester le cul posé sur une chaise à étudier ce qu'une bande de trou du cul avait trouvé ce qu'il était bon de savoir et ce, malgré mon jeune âge. J'avais outré bien des professeurs avec ces paroles, mais aucun d'entre eux n'avaient réussi à me donner d'arguments constructifs pour me contrer. Autant je n'aimais pas l'école, autant je n'appréciais pas non plus la compagnie des autres enfants. Je n'acceptais qu'une fois sur deux la compagnie d'un seul enfant pour jouer avec moi et encore, je me lassai souvent de sa présence très vite, ils étaient trop contraignant. Et là vous me diriez : Mais tu as des frère et sœur ? Non, par chance, je suis fils unique.

Quelques années plus tard, lors de mes études au lycée, mon statut de solitaire ne m'avait toujours pas quitté. Je ne passais pas inaperçu avec cette assurance et ma confiance en moi hors du commun. Je n'étais pas bien méchant mais jamais il ne serait venu à l'idée à un des élèves de l'établissement de me demander ne serait-ce que le chemin des toilettes. J'étais un loup solitaire parmi un troupeau de mouton.
C'est à cette période que j'ai rencontré ma femme. En plein milieu de l'année scolaire, en plein milieu du cours. Je m'en souviens comme si c'était hier. Elle était entrée dans la salle de cours accompagnée du directeur de l'établissement m'obligeant à me sortir de mon sommeil profond pour me lever. Je l'avais trouvé effroyablement magnifique, tellement que je n'avais pu soulever ne serait-ce une seule seconde mon regard de son visage. Après sa présentation, persuadé qu'elle était bien trop belle pour être quelqu'un comme moi je m'étais de nouveau affalé sur mon bureau. Est-ce que je m'attendais à ce qu'elle s'installe comme moi au tout dernier rang, à mon opposé à une table dépourvue de voisin plutôt qu'à côté des poufs de la classe, des intellectuelles ou des garçons manqués ? Non. Puis comme je l'avais fait juste avant elle, elle posait sa tête sur ses cahiers pour y trouver le repos. Des rumeurs coulaient à son propos, certaines probables et d'autres totalement folle. Son statut de solitaire n'était pas causé par sa propre envie, mais par le milieu malsain dans lequel elle vivait. Comme réuni par nos solitudes mutuelles, je ne sais toujours pas par quel miracle, nous avons réussi à faire connaissance. Notre relation s'est fait naturellement et rapidement. Il paraît qu'on le sent lorsqu'on trouve l'âme sœur et je le sentais avec elle.

Les années ont passés à une vitesse folle et aujourd'hui, depuis le cinq janvier je suis âgé de vingt-sept ans. Mes parents ont quittés Séoul pour faire le tour du monde. Je vis dans un logement très convenable et par le départ de ma femme devenu presque trop grand pour ma seule personne. Parfois le soir, avant de me coucher, j'observe la seule enveloppe qu'elle m'a laissé lors de son départ comme si je la découvrais pour la première fois. La première chose que l'on y trouve est une photocopie de notre certificat de mariage sur lequel elle avait ajouté un post it où elle avait écrit nos consentements puis, tout au fond de l'enveloppe une photo vivement découpée d'une échographie sur laquelle elle avait écrit. « C'est une fille. »